L'histoire du blason
C'est article sur le Blason de la commune de Ramonville est extrait d'un texte paru en avril 1972 dans le bulletin d'information de cette époque qui avait pour nom : Ramonville, notre Cité. Il est préfacé par Louis Larroque, Maire en 1972 et signé de Louis Sauvé, conseiller Municipal, qui a conçu et créé ce blason.
UN BLASON POUR RAMONVILLE
Permettez-moi, avant de vous présenter notre blason, de faire un essai de retour aux sources car, avant toute recherche, il est bon de partir d'une base la plus vraisemblable possible. Dans les civilisations les plus reculées, des groupuscules se rassemblent sous un emblème parfois mystique : le totem. La lutte pour la vie amène ces tribus à se grouper de gré ou de force, d'où les guerres. La plus ancienne des armes défensives fut, sans doute, le bouclier. Porté par le bras gauche, l'autre main tenait l'arme offensive qui évolua du gourdin à l'épée en passant par les intermédiaires les plus variés. Entre deux attaques, un combattant, pour tromper le temps peut-être pour solliciter une protection extra-terrestre ou pour effrayer son adversaire, eut l'idée de peindre ou de décorer son bouclier. La publicité moderne vous dirait que son bouclier était personnalisé. Il fut vite imité.
Dans la période historique plus proche de nous, puisque l'on compte en dizaine de siècles, les emblèmes décorant les boucliers varient du Soleil à l'Aigle, du Taureau au Dragon sans oublier les figures géométriques les plus diverses. La race humaine augmentant et avec elle la bêtise, la guerre devint un art et les grands stratèges eurent des unités de combat de plus en plus nombreuses. Les boucliers des phalanges macédoniennes ou les "Scuti" des cohortes romaines reçurent parfois des décorations identiques. En matière d'armement, on avait fait un pas : celui de la standardisation. La paix romaine sembla faire régner sur tout l'Empire une tranquillité définitive, mais cette paix devait pourtant finir. Les imperfections romaines eurent raison de leur perfection et le partage du Monde romain en 395 marqua le début du Moyen-Age qui devait durer plus de mille ans. (Cette date de 395 est généralement retenue ; cependant certains préfèrent 476 avec la fin de l'Empire d'Occident). L'arrivée des barbares sonna le glas d'une civilisation. Adieu les villes aérées, le commerce, l'art, le confort et les esclaves ! Les populations rescapées se regroupèrent autour de celui qui avait su les défendre, les cités se murèrent, les routes qui avaient amené tant de malheurs disparurent et avec elles le commerce. Le Chef, devenu le Seigneur, mit sur son bouclier les signes qui le caractérisaient et ses soldats se reconnurent à ce blason. Son utilisation au cours des siècles devient plus précise et le fait de ne pas avoir de décoration sur son bouclier est si particulier qu'on le signale : "le bouclier de Charlemagne était de fer uni, dépourvu de dessin ou de couleur". La langue de son côté évolue. Le scutum romain (bouclier) devient escu. de nos jours l'écu. Voici quelques explications sur le Blason que l'on nomme aussi armoiries ou armes. La forme se nomme écu : cet écu protège son possesseur qui le présente devant lui. C'est la raison pour laquelle la dénomination de la droite (dextre) et la gauche (senestre) se font à partir de celui qui le porte, donc à l'inverse de l'observateur.
Le blason est l'ensemble de l'écu et de sa décoration soumise à l'héraldique. L'héraldique est à la fois l'ensemble des règles et des lois qui régissent la décoration soumise à l'héraldique. Les anciens boucliers étaient de bois et assez épais pour protéger des armes de jet. Les écus du Moyen Age sont de métal et ont donc comme fond leur propre couleur : fer ou argent, cuivre ou or, sur lesquels vient, à la façon d'un émail, la couleur d'une teinte uniforme. La première règle sera donc l'émail (c'est le nom que l'on donne à la couleur) sur métal et inversement. Le très petit nombre d'émaux est peut-être venu de la robustesse de la teinte et de sa tenue aux chocs, peut-être simplement de la netteté de la couleur.
Ces couleurs sont principalement le bleu (azur), le rouge (gueules) et le vert (sinople). Parfois le pourpre et l'orangé. Le noir (sable) a été longtemps une "fourrure" la zibeline mais est aujourd'hui considéré comme un émail. Le mot fourrure rappelle les boucliers couverts de peaux précieuses : le Vair (petit-gris) et hermine, que nous citons pour mémoire. Les métaux et émaux ont aussi leur correspondance en noir et blanc ainsi qu'en sculpture : argent : blanc or : pointillé azur : hachures horizontales gueule : hachures verticales sable : hachures croisées, horizontales et verticales sinople : hachures diagonales de gauche à droite pourpre : hachures diagonales de droite à gauche. Ces règles de base ne citent pas les autres points de l'écu (partitions). Nous ne retiendrons que la dénomination du haut de l'écu : le "Chef" qui est une bande d'un tiers environ de la hauteur. La coupure verticale en deux surfaces égales est appelée "parti". Dans l'étude qu'ont faite M. et Mme YRLE sur Ramonville, il est très intéressant de noter que Raymond IV, comte de Toulouse, partit de Ramonville pour la croisade. Si l'expédition de Pierre l'Ermite et de Gauthier Sans-Avoir fut un échec complet, la seconde, toujours sous la dénomination de première croisade fut très bien organisée. Quatre armées y participaient dont les Chefs étaient Raymond IV et Adémar de Monteil, Godefroi de Bouillon et Baudoin de Hainaut, le Comte de Vermandois et Duc de Normandie, Bohémonde de Tarente et son cousin Tancrète. Cela faisait beaucoup de monde partant pour un lieu si lointain ! Il fallut trois ans et de nombreux combats pour arriver à Jérusalem. Force et courage, notre Comte de Toulouse en avait ! C'est la raison pour laquelle nous avons choisi le lion pour représenter Raymond (Firdusi, écrivain persan mort aux environs de 1020, parle du lion comme symbole du conquérant). Pour le dessin du lion, nous avons conservé la forme ancienne qui est la copie fidèle du type oriental que l'on retrouve dans les emblèmes du XIIème siècle. Le lion passant (c'est-à-dire horizontal) fut dénommé par la suite léopard, alors que le type rampant (vertical) garda le nom de lion. La lance tenue par le léopard a son histoire. Devant Jérusalem assiégée - nous sommes en été 1099 - les 60 000 croisés partis depuis 3 ans avaient eu de lourdes pertes. Ils avaient bien sûr pris de nombreuses villes dont Edesse, Nicée, Tarse et Antioche dont le siège avait duré 8 mois, mais ils étaient fourbus et n'avaient plus l'ardeur des premiers jours. Heureusement, un fait extraordinaire se produisit. Un homme de la suite de Raymond fit une révélation : il avait rêvé de l'emplacement où était enterrée la lance qui avait percé le flanc du Christ. Le vaillant Comte de Toulouse exploite aussitôt cette découverte et brandissant la lance, rallie les chrétiens qui crurent aussitôt à la sainte lance. Le cœur de chacun fut transformé, le courage de tous retrouvé et le 15 juillet 1099, les croisés prirent Jérusalem. Adhémar de Monteil, évêque du Puy et légat du Pape Urbain II présent à cette première croisade transmit à sa famille ce précieux souvenir que l'on voit de nos jours sur leur blason. Au bas de l'écu est un croissant qui rappelle l'Orient et le fait que Raymond fut comte de Tripoli. Si vous allez au Liban, vous verrez à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Beyrouth, à Saïda, le vestige d'une forteresse, dite du comte de Toulouse. En réalité, le pays de Tripoli ne fut complètement conquis qu'en 1111 par les fils de Raymond : Bertrand et Guillaume. Raymond IV mourut au siège de Tripoli en 1105. C'est une première raison d'avoir mis le cœur de l'écu de sable (noir). Mais à cette pensée, se juxtapose une autre plus récente. Celle de tous les combattants de l'ombre et de leur sacrifice. "Ami entends-tu le vol lourd des corbeaux sur la plaine ?". Au chant de la Résistance répond le souvenir des 5 martyrs de Ramonville qui avaient, dans les ténèbres, combattus pour la liberté. "Au Chef parti à Dextre de Toulouse" l'appellation "de Toulouse" est la croix caractéristique d'or sur fond rouge que l'on appelle croix du Languedoc. Ce sont les armoiries des comtes de Toulouse qui héraldiquement se dénomment : "De gueules à la croix d'or clichée et pommelée". Cette croix doit avoir ses 12 pommeaux équidistants entre eux ainsi que du centre géométrique de la croix dont les branches sont évidées - à la façon d'un penne de clé ancienne- laissant voir le fond. A Senestre, "d'argent au pin de sinople, arraché de même" un arbre vert... son tronc a souffert du vent et nous rappelle le vent d'autan si particulier !... L'arbre est dit arraché lorsqu'on voit ses racines. Mais un arbre est une des allégories les plus anciennes. Il est le symbole de la vie et pour le citadin, c'est l'image de la verdure si agréable. C'est aussi un signe de patience, car un arbre est long à pousser. Cette couleur verte est celle de l'espérance. Que les populations présentes et à venir regardent cet arbre en pensant à l'équilibre harmonieux d'une cité heureuse.
Je tiens à remercier Monsieur MESURET, Conservateur du Musée Paul Dupuy et héraldiste distingué. Son érudition a facilité mes recherches. A travers lui, je félicite le travail patient et irremplaçable des conservateurs de Musées qui savent faire revivre le passé à une époque où la mode est à la destruction du présent.
Louis SAUVE Conseiller Municipal Enseignant
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